La Banque cantonale vaudoise a tiré parti de la grande diversité de ses métiers et sources de revenus durant la pandémie, selon son directeur Pascal Kiener.

Le deuxième exercice d’affilée marqué par la crise sanitaire n’a pas déstabilisé la Banque cantonale vaudoise (BCV). En 2021, l’établissement a même vu pour la première fois ses revenus franchir le seuil du milliard de francs, en hausse de 6% sur un an. Ils ont été portés notamment par la forte progression du résultat des opérations de commissions et des prestations de service, en hausse de 15% à 357,3 millions de francs. En comparaison, les opérations d’intérêts n’ont, elles, que légèrement crû de 1% pour s’établir à 464,4 millions de francs. Au final, le bénéfice net s’est inscrit en hausse de 14% à 378,7 millions de francs, a indiqué la BCV la semaine dernière. Qu’est-ce qui a permis à la banque cantonale de traverser sans encombre deux années fortement marquées par la pandémie? Retour sur cette période avec Pascal Kiener, directeur de la BCV.
Si vous regardez, par exemple, l’évolution des revenus d’intérêts: ceux-ci ont été péjorés par le très faible niveau des taux d’intérêt. Mais ce faible niveau, d’un autre côté, s’est accompagné d’une année boursière très favorable. Nous en avons profité au travers d’une hausse des commissions dans la gestion de fortune et la gestion institutionnelle. En 2020, c’est la volatilité sur les devises qui a porté les revenus issus des transactions de la clientèle sur le marché des changes. Et il y a d’autres exemples. Dans l’ensemble, ces différentes activités s’équilibrent. C’est pourquoi on peut dire qu’il y a un certain «hedge naturel» dans nos activités.
Si l’on prend le cas d’une banque cantonale typique, de petite à moyenne taille, les opérations d’intérêts représentent souvent entre 60 et 80% de l’ensemble des revenus. A la BCV, cette part se situe à moins de 50%. Nous sommes donc moins dépendants de cette source de revenus là. Par ailleurs, la BCV compte une quinzaine de métiers. Peu de banques cantonales sont aussi diversifiées, à la fois en termes de sources de revenus, mais aussi du point de vue du nombre de métiers qu’elle exerce.
A terme, la croissance va finir par diminuer. Néanmoins, pour l’année 2022, je m’attends de nouveau à une croissance située entre 4 et 5% du volume d’affaires hypothécaires, dans le rythme du marché vaudois dont la dernière estimation de croissance est de 4,5%. C’est une estimation, pas un pronostic. Il est possible que la BCV progresse un peu plus rapidement, mais pas de manière spectaculaire.
C’est un calcul toujours très complexe qui va au-delà d’une simple comparaison de taux des deux côtés du bilan. Nous devons gérer ce dernier à l’aide de divers instruments financiers pour couvrir les risques de taux et de liquidité. C’est ce qu’on appelle l’Asset and Liability Management (ALM). Pour nous, à terme, toute remontée des taux sera profitable. Par contre, pendant 12 à 18 mois, cela pourrait nous péjorer dans le sens où la rémunération de l’épargne et les taux d’intérêt sur les crédits pourraient ne pas remonter au même rythme. Mais ensuite, une fois que les choses se seront stabilisées à nouveau, toute remontée des taux serait positive pour nous sur le long terme.
En termes de taille, il faut garder à l’esprit que nous restons très petits par rapport au marché dans ce métier. Le Trade Finance représente au plus 5 à 10% de notre bilan. Cela correspond à des encours de l’ordre de 2 à 3 milliards par rapport à un bilan de près de 56 milliards. La taille du marché est de toute façon telle que notre choix porte plutôt sur la question d’augmenter ou de réduire notre exposition en fonction de l’estimation des risques liés à la situation économique. Pour utiliser une image, je dirais que le Trade Finance est un peu comme avoir une hypothèque qui se déplace sur l’eau. Nous finançons une opération pour aller d’un point A à un point B et la marchandise nous sert de garantie.
Quant à savoir comment ce secteur va évoluer, il est très difficile d’établir un pronostic. En 2020, il y avait de très fortes incertitudes : les ports étaient bloqués ou tournaient au ralenti, certaines marchandises risquaient de ne pas pouvoir être acheminées. Aujourd’hui, en 2022, il faudra voir à quel rythme les échanges commerciaux redémarrent, comment les chaînes d’approvisionnement se redressent. La demande est là, mais les risques géopolitiques ne peuvent pas être non plus écartés dans plusieurs régions du monde.
D’abord, on peut s’en réjouir, car cela démontre que les gens ont confiance en la BCV. Une part de ces fonds est investie, en fonds ou en mandats, notamment. Une autre est placée en comptes. Concernant ces liquidités, cela signifie aussi que nos conditions en matière de report des taux négatifs sont raisonnables.
En matière de taux négatifs, on observe que quand une banque prend des mesures, les autres réagissent ensuite. Dans l’ensemble, on peut constater que les banques cantonales, y compris la BCV, ne sont pas les plus sévères en la matière. Maintenant, même si nous croissons un peu plus vite, notre objectif n’est pas non plus d’être hors marché – rien ne nous sert d’avoir d’énormes afflux de clients qui repartent ensuite dès que les choses se stabilisent. Notre but n’est pas de durcir nos conditions lorsque des clients déposent des fonds chez nous. Néanmoins, si nos principaux concurrents devaient continuer de le faire, nous serions aussi obligés de suivre. Durcir nos conditions de manière proactive n’est toutefois pas notre objectif – nous nous limitons à être réactifs sur ce plan.